Reportage

Reportage L'Avenir

Témoignages

Adolescent, je prenais le train à Dinant, ma ville natale, pour aller au cinéma à Namur, seul ou avec des copains de classe.

Aller à L’Eldorado (ou au Caméo) était déjà une source d’aventures en soi ! Cet endroit a beaucoup compté dans mon parcours. C’est là que j’ai pu découvrir des films qui m’ont donné envie de faire du cinéma. Il m’a nourri en rires, en larmes, en peurs, en éblouissements. J’ai le souvenir par exemple d’y avoir découvert C’est arrivé près de chez vous, et de m’être demandé pendant tout le film si ce tueur en série était un comédien, tant il débordait de naturel. Et d’avoir rejoué les dialogues dans la cour d’école avec mes amis pendant des semaines.

Évidemment, de nos jours, avec les technologies modernes, il existe de nombreuses façons de voir un film. Mais aucune d’entre elles n’a cette magie qu’ont les salles de cinéma, à savoir le partage des émotions. La disparition de l’Eldorado, c’est un peu de cette magie qui disparaît. C’est franchement triste. Et c’est arrivé près de chez nous. »

— Christophe Bourdon
Cinéaste

J’y ai rencontré ma femme

Le 18 décembre 78, c’était le dernier jour d’examens et les quelques copains de l’Athénée que nous étions avions rendez-vous avec quelques copines du Lycée. C’était évidemment bien avant la fusion ! Nous nous sommes donc retrouvés au self-service de l’Innovation (oui, on mangeait encore à l’Inno !) et j’ai lié connaissance avec l’une des filles du groupe, Colette. On a un peu discuté à table, puis on s’est tous mis en route pour voir un film à l’Eldorado. On allait voir La cage aux folles. En chemin, elle a dû quitter la bande pour aller faire un achat chez Mary-Hobby pour son papa, aéromodéliste et passionné d’aviation tout comme moi. Nous sommes donc entrés dans la salle obscure sans elle. Tout le monde a pris place, me laissant m’asseoir en dernier, juste à côté d’une autre des copines qui, paraît-il, avait un œil sur moi. Quand ma retardataire est arrivée, je me suis déplacé d’un siège pour qu’elle ne soit pas seule au bout, ce qui a eu pour effet immédiat d’en mécontenter une autre Et là, durant le film, faisant preuve d’une audace folle, je lui ai… pris la main. C’est tout. Je l’ai ensuite raccompagnée jusqu’à son train, se séparant d’un chaste bisou sur la joue, se promettant qu’on se reverrait dès la rentrée. Cet hiver-là fut si rude qu’on n’est finalement rentrés en classe qu’avec une grosse semaine de retard, mais ne nous a pas empêchés de nous retrouver et ne plus jamais nous quitter. Vous comprendrez donc pourquoi nous avons été tristes d’apprendre la fermeture de ce cinéma qui a tant compté pour nous.

— Stéphane (Namur)

Le cinéma Eldorado et le FIFF, ce fut une collaboration de près de 20 ans !

Autant dire que des souvenirs et des anecdotes nous en avons des centaines. Des personnalités prestigieuses ont eu l’occasion de rencontrer le public namurois au sein des salles mythiques de l’Eldorado : Audrey Tautou, Josiane Balasko, Benoît Magimel, Guillaume Canet, Cécile de France, Abderrahmane Sissako, Virginie Efira ou encore Vanessa Paradis. Un immense merci à la famille Vanschel et plus particulièrement à Isabelle et aux employés de l’Eldorado pour leur accueil tout au long de ces années.

— Nicole Gillet
Directrice générale du Festival international du film francophone de Namur

Toute ma vie, je suis allé à l’Eldorado.

Quand j’étais enfant avec ma grand-mère, quand j’étais ado avec mes potes de Dinant, puis plus tard comme étudiant aux facs, comme militaire (de courte durée) à Belgrade, comme journaliste à L’Avenir, comme père de famille avec mes galopins… Un jour, j’y suis même allé comme cinéaste. Un de mes courts, Mon cousin Jacques, faisait en 2004 au FIFF l’avant-programme de Quand la mer monte de Yolande Moreau. La salle 1 était comble et les amours de Jacques, garçon de ferme taciturne, ont fait un carton. Dix ans plus tard, j’y suis de nouveau, toujours au FIFF, cette fois avec mon premier « long », Jacques a vu, mêmes acteurs principaux, même ambiance rurale et décalée. C’est la première projection publique. Ce n’est plus la mer qui monte mais l’angoisse : la salle 1 est pleine et une file de plus de 200 m s’étire encore sur le trottoir de la rue de Fer. Je suis dans mes petits souliers, presque paniqué à l’idée de ce qu’on doive refouler tous ces gens qui patientent dans le froid. C’est alors qu’Isabelle Vanschel, la directrice de l’Eldo, vient me voir : « T’inquiète, on a senti le coup venir, on ouvre aussi la salle 2 ». Première dédoublée, donc, pour le film et plus de 700 spectateurs ! Mais quel beau dimanche !

— Xavier Diskeuve
Cinéaste

Que de souvenirs, l’Eldo !

D’abord, mes premières larmes au cinéma ! Maman et papa avaient emmené toute la famille voir Bambi ! J’avais à peine huit ans ! La scène du chasseur, on n’a peut-être rien fait de plus violent, sauf peut-être Tarantino, la scène de l’oreille, dans Reservoir Dogs, mais ça, c’était au Caméo, vingt ans plus tard… Ado, c’étaient les petites amies et les baisers gloutons dans le noir. On s’en foutait de savoir où était passée la 7e compagnie… Et puis, en 1992, dans la grande salle, avant-première de C’est arrivé près de chez vous. Quand les lampes se sont rallumées, je me suis dit : ben, moi aussi, je peux faire ça. Comme un déclic. J’ai bien fait quatre films, mais jamais de film culte !

Oui, j’ai aimé ce cinéma et ceux qui le tenaient, Sophie et Isabelle, leur papa. Ils ont toujours été adorables avec moi. Je les remercie très chaleureusement ! Depuis Le Signaleur, je n’ai plus jamais payé ma place. Hey merde, ça va me coûter un brin, cette fermeture ! 

— Benoît Mariage
Cinéaste

Le plus beau cinéma belge

Je me souviendrais toujours de l’Eldorado comme étant le cinéma de mon enfance. Les toilettes au fond de la salle où on manquait de se casser la figure en plein film en voulant y aller. Ce qui m’a le plus marqué, c’est le fait que c’était encore le seul cinéma où des ouvreuses venaient dans la salle avec un panier rempli de bonbons, de chocolats et des boissons. Malheureusement, ce cinéma, qui est pour moi le plus beau cinéma belge, ferme ses portes et je suis triste mais je repenserai avec joie à tous les films que j’ai pu voir là-bas, les fous rires dans la salle, les fauteuils super-confortables ! À bientôt l’Eldo !

— Thomas André

L’Eldorado est le premier cinéma que j’ai fréquenté

Il incarne pour moi l’archétype du complexe cinématographique. Une anecdote : c’était en été, j’étais adolescent. L’après-midi, je me décide enfin à aller voir 37°2 le matin, de Jean-Jacques Beineix, qui finissait sa carrière en salle. À ma grande surprise, je me retrouve seul dans la salle. Je me demande si l’on va lancer la projection juste pour moi. Mais le film démarre. Et il démarre par une longue, très longue et très charnelle scène de sexe. Ça n’en finissait pas. J’étais très gêné. Et je me disais que si la dame aux chocolats glacés faisait son apparition, je serais obligé de lui acheter quelque chose. Elle n’est pas venue. Je ne sais pas si c’est à cause de tout ça, mais je me souviens avoir détesté le film !

— Bernard Polet
Journaliste cinéma

Des trésors

L’an passé, j’étais encore à l’Institut Félicien Rops de Namur, en 7e photographie. J’ai réalisé une exposition photo sur les coulisses de ce cinéma. Un cinéma d’histoire. Des décors et architectures comme on n’en voit plus aujourd’hui. Un cinéma du passé qui a su s’adapter aux technologies nouvelles. Derrière ces salles au style simple mais vintage se cachent encore bien des trésors qui m’ont davantage poussé à m’investir dans le cinéma. Quel cinéaste ne serait pas attendri par la sensation que procurent de vieux projecteurs, de vieilles bobines ? Peut-être bien qu’un petit film documentaire pourrait être tourné, où ce cinéma reprendrait vie, pour entretenir nos souvenirs et surtout ceux de la famille Vanschel.

— Joakeem Carmans
Étudiant en 1re bac réalisation cinéma à l’Institut des Arts de Diffusion (Louvain-La-Neuve)

Et le rideau sur l’écran, une fois de plus, est tombé…

L’Eldorado qui ferme ses portes, c’est un peu de la terre namuroise qui disparaît sous l’effet d’une lente mais tenace érosion. Son nom, déjà, était magnifique… L’Eldorado ! C’était le dernier à sentir bon le cinéma d’avant, celui qui nous a tant fait rêver et qui a vu naître notre passion pour ces images qui bougeaient. L’Eldorado, c’est beaucoup de souvenirs – trop pour en choisir un en particulier – mais c’est surtout énormément de tristesse de voir ces murs, qui ont accueilli presque un siècle de projections, se vider de leur mémoire pour céder la place à des marchands de babioles. Mais on a le monde qu’on se fait.

— Philippe Bourgueil
Monteur

Impossible de calculer le nombre de films que je suis allé voir à l’Eldorado.

J’adorais surtout la salle 2, avec cet espace « vestiaire » (si je me rappelle bien !) par lequel on passait avant de gagner les sièges. Atmosphère très feutrée, charme suranné des années 60-70... Les files devant le cinéma marqueront aussi : elles étaient un des signes visibles qui permettait de dire « il y a du monde en ville ! ». J’espère qu’il y aura toujours du monde en ville. Pour le Caméo surtout : on se rend aujourd’hui d’autant plus compte de toute la pertinence de sa rénovation, qui réaffirme une si nécessaire activité cinéma en plein centre-ville.

— Xavier Istasse
Cinéaste

Un lieu unique et authentique

J’étais véritablement passionné par ce cinéma. Les rumeurs qui circulaient depuis quelques mois m’avaient poussé à créer un groupe sur Facebook afin de rassembler le maximum de spectateurs partageant le même attachement que moi à ce temple du 7e art. En peu de temps, nous atteignions les 1300 membres, ce qui prouve bien que l’Eldorado tenait une place importante dans le cœur des Namurois. Nous avons espéré un miracle jusqu’au bout mais, hélas, les « twists » ne semblent exister… qu’au cinéma.

L’Eldorado fait partie de l’histoire de Namur et nous rêvions de fêter ses 100 ans. La rue de Fer ne sera plus la même sans ce géant aux lettres rouges. Tant de choses y ont été vécues par nous tous. C’était un lieu unique, authentique, familial. Comme beaucoup de Namurois, j’y suis allé avec mes parents et, par la suite, avec mes propres enfants, j’y ai vécu mes premiers flirts, j’y ai ri, été ému, eu peur… Cette fermeture m’attriste au plus haut point. Merci infiniment à la famille Vanschel de nous avoir offert ce fabuleux cinéma. Désormais, en passant devant le 40 de la rue de Fer, nous aurons une pensée pour les fantômes qu’il enferme, ceux des souvenirs et émotions que nous y avons vécus.

— Laurent Mathieu

En 1992, j’étais à l’Eldorado pour animer la première belge de C’est arrivé près de chez vous.

Le film a été un choc et on sentait déjà tout le talent là derrière, dont celui de Benoît Poelvoorde. Dans la salle se trouvaient tous ceux qui avaient participé au film : les copains, les familles etc. À l’issue de la projection, chacun est monté sur scène, on a fait un générique vivant. Un moment très festif, qui s’est prolongé par un verre au palais provincial.

— Benoît Derue
Journaliste

Une séance pleine d’émotion

Elle avait été émouvante la projection du mardi 3 décembre 2013 à l’Eldorado – en avant-première et pour un gala du Kiwanis Namur Terre Nova  – du film Mandela, un chemin vers la liberté, d’autant plus que l’ancien prisonnier devenu président devait décéder deux jours plus tard. Or, il y avait parmi les spectatrices des religieuses de la congrégation des Sœurs de Notre-Dame de Namur dont une Sud-Africaine qui avait participé activement aux côtés du premier gouvernement Mandela à la réforme des cours d’histoire et autres programmes scolaires qu’avait imposés le régime de l’apartheid, ainsi que j’avais pu le constater lors de diverses missions faites pour l’ONG Entraide et Fraternité en Afrique australe.

— Jacques Briard (Jambes)