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STAR WARS
LES BELGES CONTRE-ATTAQUENT

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Le phénomène « Star Wars » est de retour ! Au cœur de toutes les attentions, le septième film baptisé « Le Réveil de la Force » nous rappelle que la flamme n’a jamais cessé de brûler avec ardeur dans le cœur des fans, des collectionneurs, des boutiques. Entre collection, dévotion et exploitation, rencontre avec des Belges habités par l’univers cher à George Lucas.

EPISODE I

La collection

Du prototype rarissime exfiltré d’une usine chinoise à l’authentique affiche polonaise insolite, Alain Graca (46 ans) collectionne depuis 38 ans tout ce qui touche à l’univers de « Star Wars ». Entre ferveur jamais démentie et patience à toute épreuve, 15.000 pièces composent son trésor de guerre divisé entre son appartement liégeois et la maison de ses parents à Verviers. « Dans l’absolu, j’ai envie de tout avoir », confesse le collectionneur de l’extrême. « Même un simple papier avec la mention "Star Wars", il me le faut. » « Star Wars Le Réveil de la Force » et la relance de la mécanique par Disney ? Une bénédiction. « Avec le nouveau film, les jouets ne tarderont pas à réinvestir les brocantes », s’enthousiasme Alain Graca. « Je suis reparti pour 20 ans ! »

Collection

« Tout ce qui est éphémère, comme les céréales et les chips, est différent d’un pays à l’autre », analyse Alain Graca, collectionneur invétéré de tout ce qui se rapporte à « Star Wars ». « A la sortie des nouveaux films, je m’approvisionne en Allemagne et aux Pays-Bas pour collectionner les boîtes et les emballages. Quitte à manger des tonnes de céréales que je n’aime pas. »

« Le premier film "La Guerre des étoiles", c’était tout ce que j’attendais », se souvient le collectionneur verviétois. « J’aimais la conquête de l’espace et les chevaliers de la Table ronde. C’était le mariage parfait de ces univers. » Du haut de ses 8 ans à l’époque (1977), Alain Graca découvre le film de George Lucas au cinéma Pathé de Verviers avec sa sœur et son cousin, au retour d’un atelier artistique. L’affiche tape dans l’œil du gamin. Sa maman ne résiste pas en offrant trois tickets aux enfants bientôt médusés par le spectacle. « Je me revois dans cette salle de cinéma, complètement absorbé », raconte le Verviétois. « C’est seulement au moment où les vaisseaux X-Wing plongent dans les tranchées de l’Etoile de la mort que je suis sorti une seconde du film. »

Imperium

Au cœur du trésor d’Alain Graca, cette affiche polonaise de « L’Empire contre-attaque » (1977) occupe une place toute particulière. « Les Polonais sont reconnus pour leurs affiches superbes… sur lesquelles il est impossible de reconnaître le film. Je préfère avoir cette pièce que dix reproductions trop similaires où juste le titre est traduit. »

Alors que les produits dérivés (le « merchandising ») du premier film « La Guerre des étoiles » (1977) enrichissent son créateur George Lucas comme jamais, une première à l’époque, Alain Graca met le doigt dans l’engrenage de la collection dès la sortie de la salle obscure du Pathé, à Verviers. « J’avais le besoin de recréer l’univers et d’accumuler un maximum de pièces et de souvenirs », se souvient-il le sourire nostalgique aux lèvres. « Les jouets que je ne pouvais pas avoir, je les fabriquais. J’ai sculpté le personnage de Boba Fett. J’ai assemblé le véhicule de guerre AT-AT Walker avec des morceaux de bois. Je rhabillais les Barbie de ma sœur et mes Big Jim. Je dessinais et je peignais les affiches. Je tournais même des petits films en Super 8. »

«Ce qui est positif avec la collection "Star Wars", c’est que c’est accessible à tous. Un gamin trouvera sa première figurine neuve à 7 €. S’il aime vraiment un personnage, il pourra économiser sur son argent de poche pour dénicher d’autres objets en rapport.»

De la petite boutique alimentée au compte-gouttes à la loterie de la brocante, du premier guide du collectionneur à la décennie désertique (1985-1995) vierge de nouveaux jouets, de l’émergence d’Internet « qui a mis tout le monde sur un pied d’égalité » à la montée en puissance des sites d’enchères, Alain Graca s’est adapté en 38 ans aux mutations du marché « Star Wars ». Avec une ligne de conduite immuable : « Le coup de coeur. Je craque pour les choses bizarres et les prototypes, comme ces figurines de test avec une tête jaune et un bras bleu sorties en douce de l’usine par un ouvrier chinois de la chaîne de production. J’aime aussi tout ce qui est japonais, comme ma pièce préférée : un robot C-3PO totalement décalé qui tire un missile via son ventre. »

sixties

A l’occasion de la sortie de « Star Wars Episode I La Menace fantôme » en 1999, la rédaction du Jour-Verviers, L’Avenir Verviers de l’époque, avait rencontré Alain Graca, photographié ici au cœur d’une fraction de sa collection. A droite : le personnage grandeur nature de Boba Fett confectionné par ses soins, à force de débrouillardise.

« Je n’ai jamais rien jeté », raconte celui qui pousse le vice jusqu’à remplacer les chips consommés par des bouts de polystyrène dans les sachets « Star Wars » soigneusement rescellés. Cette discipline compulsive a un coût : l’impossibilité d’exposer une collection riche de 10.000 références en 1999, 15.000 aujourd’hui. « Quand je déniche une nouvelle pièce, je l’expose une semaine puis je la range dans une caisse. Mon rêve serait simplement de la placer durablement dans une vitrine. Je travaille dans une grande surface qui stocke de 7.000 à 8.000 produits. Je me dis souvent que c’est l’espace dont j’aurais besoin pour ma collection... Un musée ? Oui, à condition de trouver un endroit salubre, sans fuite, avec une température correcte, porté par un projet viable financièrement. »

EPISODE II

La dévotion

« Les réactions sont toujours enthousiastes lorsque, costumés, nous prenons possession d’un lieu », souligne Fabrizio Prosperi (42 ans). « Des soldats Stormtroopers qui arrivent dans leur armure blanche, ça fait toujours sensation ! » Membre de la 501st FanWars Garrison South Belgium, club spécialisé dans la représentation en costume des personnages de l’univers « Star Wars », le Carolo incarne l’empereur Palpatine, un garde impérial ou encore un officier de maintenance de l’Empire dans les événements publics qui impliquent son groupe officiellement reconnu par les studios Lucasfilm. Avec la sortie de « Star Wars Le Réveil de la Force », l’agenda est logiquement surchargé. « Du 16 au 20 décembre, nous sommes nombreux à prendre congé pour assurer nos missions de représentation. »

star wars tele

Le premier costume « Star Wars » de Fabrizio Prosperi a réclamé six mois de travail. Fabriqué brut par un membre de la FanWars Garrison, le casque de garde impérial en fibre de verre a été poncé avant d’être confié à un carrossier pour la peinture.

« J’ai découvert l’Episode IV à l’adolescence, sur ma petite télé en noir et blanc », se souvient Fabrizio Prosperi. « J’aimais les films de science-fiction, j’aimais "Star Wars", sans plus. » Le déclic attendra mai 2005 et l’avant-première de « Star Wars Episode III La Revanche des Sith » au cinéma UGC De Brouckère, à Bruxelles. Dans les allées et sur scène, la prestation des troupes de la FanWars Garrison impressionne le citoyen de Gilly. Des costumes aux duels au sabre laser, c’est le coup de cœur. « Je n’avais même pas conscience que cela existait », admet-il. Au fil des contacts et des rencontres dans les conventions et les salons, Fabrizio Prosperi finit par rejoindre les rangs du club en août 2007. Pour découvrir que la confection d’un costume, « c’est du MacGyver ! »

star wars sith

© Michel Verpoorten

Entre le masque en latex moulé aux contours de son visage, le maquillage et le poids de la toge, le costume de l’empereur de Fabrizio Prosperi n’est pas de tout repos. « Je n’imaginais pas prendre autant de plaisir à incarner ce personnage. J’ai mis un an pour trouver le bon tissu, noir, épais et composé de carrés de 5 millimètres de côté. »

« Le Stormtrooper classique reste le costume de référence », estime Fabrizio Prosperi. Pour se glisser dans les bottes d’un soldat de l’Empire, la commande en ligne d’un kit composé des pièces (casque, épaulettes, plastron, jambières…) de la célèbre armure blanche sera suivie de séances d’ajustement, « à la Dremel, afin de coller au mieux à la morphologie. » Coût : 700 à 800 € aux prémisses, puis jusqu’à « 1.000 à 1.200 €, une fois pris en compte le blaster (NDLR : l’arme), la combinaison noire et les chaussures blanches... pas de bêtes chaussures du Decathlon. » Pour incarner Dark Vador, il faudra carrément débourser de 3.000 à 5.000 €, « et bien du travail sera encore nécessaire. » L’entraide entre membres de la FanWars Garrison est heureusement de mise pour peaufiner ces costumes dûment validés par un expert intransigeant sur la fidélité.

« J’attends le nouveau film pour me choisir éventuellement un nouveau costume. Même si je préfère les personnages casqués, je suis séduit par la prestance du général Hux. Il en jette ! En espérant qu’il ne meurt pas prématurément… »

Que ce soit à l’avant-première d’un film sur demande officielle de Lucasfilm ou pour épauler saint Nicolas dans un centre commercial, les sorties spectaculaires de la FanWars Garrison sont bénévoles. « Nous ne sommes pas une structure événementielle, nous ne participons pas aux fêtes privées, aux mariages, aux anniversaires », précise Fabrizio Prosperi. « Nous avons le respect du personnage comme valeur suprême. C’est au-delà du bénévolat, ça nous coûte de l’argent. » A l’heure de gérer l’agenda des activités, « il n’y a aucune contrainte. » Chaque membre participe à sa guise aux événements de son choix, en fonction de ses envies et de ses disponibilités. « Notre canal de communication, c’est notre forum en ligne. Nous y passons une heure ou deux par jours. Pour se fixer rendez-vous, échanger des conseils… »

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© Michel Verpoorten

« Je ne me vois pas incarner Dark Vador alors que je mesure 1m70 », concède Fabrizio Prosperi (à droite sur le cliché). « Il faut être cohérent avec le costume et le personnage. » Certaines panoplies sont plus inconfortables que d’autres, comme celle du Stormtrooper qui empêche de s’assoir et d’aller aux toilettes.

« J’ai vécu des moments exceptionnels grâce au club », s’émerveille Fabrizio Prosperi. De l’envol dans la nacelle dans la montgolfière à l’effigie de Dark Vador au direct sur RTL TVI pour accompagner en demi-finale un candidat de « Belgium’s Got Talent », les souvenirs se bousculent dans la tête du Carolo. « En marge du "trooping", le défilé dans un lieu précis, accompagné de "shooting", ces photos prises avec les passants, nous participons aussi à des événements caritatifs. Ca fait partie de la philosophie de la 501st Legion, l’organisation qui chapeaute les clubs similaires au notre à travers le monde. C’est une toute autre émotion de rendre visite aux enfants du service pédiatrique d’un hôpital. »

EPISODE III

L’exploitation

« Non, mon magasin n’est pas dépendant de "Star Wars" pour vivre », assure Julien Lardinois (23 ans). Propriétaire au centre de Liège d’une enseigne spécialisée dans les produits dérivés des films, des séries, des jeux vidéo ou encore de la littérature, celui qui rêvait d’être paléontologue « à cause de Jurassic Park » remet l’église au milieu du village. « L’univers de George Lucas génère beaucoup de produits, sans que cela ne se reflète nécessairement dans les ventes. C’est une valeur sûre, mais mes clients achètent tout autant du Predator, de l’Alien… » Collectionneur hautement expérimenté, son papa Didier Lardinois (50 ans) confirme. « Avant, c’était la division entre les clubs "Star Wars" et "Star Trek". Tu choisissais ton camp. Tu collectionnais l’un ou l’autre. Maintenant, les gens veulent de tout. »

Didier & Julien Lardinois

Le Stormtrooper est le personnage de référence de Didier Lardinois, le père de Julien, propriétaire d’une boutique spécialisée au centre de Liège. Au point de porter un tatouage représentant le fameux soldat de l’Empire sur son mollet. « Ce personnage m’a tellement marqué lorsque je l’ai découvert au cinéma avec mon grand-père en 1977. C’est celui que j’ai le plus convoité dans mes collections. »

De pionnière du « merchandising » (vente de produits dérivés) dès 1977 à référence historique et pléthorique contrainte de tolérer la concurrence, la griffe « Star Wars » vit une ère nouvelle avec la prise de pouvoir de Disney. Figurines, jouets, « mugs » et masques frappés du logo du septième film inondent les rayons depuis le déballage commercial du « Force Friday » programmé le 4 septembre 2015. « Disney nous fait peur », confesse Didier Lardinois. « La qualité m’inquiète », renchérit son fils Julien. « C’est juste satisfaisant. Avant, tu héritais pour 15 à 20 € d’une figurine articulée, bien finie et bardée d’accessoires. Ce n’est plus du tout le cas. » « C’est une erreur d’ignorer ceux qui sont devenus des adultes », insiste le papa. « Moi, ça m’intéresse encore d’acheter des petites figurines. »

 Star Wars Episode 1 La menace fantôme

Dédié à « Star Wars Episode 1 La menace fantôme », ce jouet de 1999 est la « vedette » d’une anecdote familiale. « Mon père m’avait demandé de bien y faire attention », se souvient Julien Lardinois. « Je n’ai pas écouté. J’ai poussé sur le mécanisme qui déclenche le lancement des missiles… qui sont partis se loger dans l’interstice séparant le plancher de la plinthe. On ne les a jamais récupérés. »

Au-delà de la qualité discutable des jouets sacrifiée sur l’autel des marges, les Lardinois père et fils regrettent la disparition de la magie de l’équation commerciale. « Dans les années 80, les magasins se donnaient du mal pour présenter les produits « Star Wars » dans des mises en scène soignées qui faisaient rêver », estime Julien Lardinois. « Aujourd’hui, ils ne font plus du tout dans la magie. Ils traitent cet univers comme n’importe quelle autre gamme. A contrario, dans ma petite boutique, je prends des heures pour préparer mes rayons. C’est vital. Les clients viennent pour prendre une bouffée d’air frais. Ils veulent s’évader. Ils rentrent parfois juste pour admirer une statue à 500 € et discuter. D’ailleurs, je parle plus que je ne vends. »

« Les collectionneurs sont parfois impatients et impulsifs », détaille Didier Lardinois. « Mon père et mon grand-père me répétaient pourtant qu’il suffit d’être patient. Il existe nécessairement quelque part un collectionneur qui vendra un jour à un prix raisonnable la pièce que tu convoites. C’est une question de temps. »

« Le secret, c’est écouter le client », estime Didier Lardinois qui, très tôt, emmenait son fiston Julien chasser le trésor nostalgique dans les bourses, les brocantes, les conventions. « Mon fils baigne dans le milieu depuis qu’il a 5 ans. Il a rapidement développé son sens de l’observation. Aujourd’hui, c’est comme ça qu’il connaît à la fois la vieille et la nouvelle génération de collectionneurs. Nous, nous en sommes à la troisième : mon père, son grand-père disparu, avait commencé à l’époque à rassembler les premières figurines "Star Wars", en marge de ses Dinky Toys et de ses Action Man. » Passion commune pour le père et le fils, « La Guerre des étoiles » constitue aussi une collection partagée et alimentée par les découvertes de chacun. « C’est un patrimoine familial », souligne le papa.

Ian McDiarmid

En juillet 2013, la « Star Wars Celebration » avait rallié l’Europe et Essen en Allemagne pour trois journées ponctuées de conférences, d’expositions, de défilés et de rencontres. Un événement que Julien Lardinois et sa compagne Elodie Dejasse ne pouvaient pas manquer. Au centre de cette photo souvenir, Ian McDiarmid, l’acteur qui incarne le maléfique empereur Palpatine.

A l’abri au cœur d’un entrepôt sécurisé, le trésor de guerre des deux Liégeois est « d’une valeur inestimable », dixit le père Didier Lardinois. « Nous ne perdrons jamais la raison pour notre collection », insiste son fils. « Si nous devions en vendre une partie pour venir en aide à un proche, nous n’hésiterions pas une seule seconde. » Susceptibles de débourser 300 € pour acquérir une figurine qui valait 15 six mois plus tôt, certains collectionneurs peinent pourtant à garder la tête froide. « Je connais des cas de gens qui collectionnent au-delà du raisonnable pendant quinze ans, avant de vendre le tout au dixième de la valeur pour éponger le prix de leurs excès », raconte Didier Lardinois. « Moi, mon plaisir, ce n’est pas de désirer une pièce hors de prix », résume son fils. « J’aime chercher, patienter pour faire une bonne affaire et enfin trouver. »